VENDREDI 06 JUIN – 21H00 – UTOPIA TOULOUSE
de Marina Oboussier et Arthur Manz – France – 52′ – VOF
A l’issue de la projection, rencontre avec Camille, héroïne du documentaire
Camille, née Antoine, décide à l’approche de la cinquantaine d’assumer son aspiration à la féminité. Dans sa recherche identitaire, elle va devoir affronter des épreuves physiques, mais surtout morales et affectives. En toute simplicité et franchise, elle va nous faire vivre son parcours … de l’intérieur. Jamais nous n’aurons vécu la transidentité d’aussi près sans pour autant nous sentir voyeurs. Nous sommes amenés à remettre en question nombre d’idées reçues, d’a priori et de convictions, tellement la problématique se trouve sortie du cadre « extra-ordinaire » et prend une dimension profondément humaine.
Un documentaire sobre et émouvant, au ton toujours juste et à la distance savamment calculée pour susciter l’empathie et la réflexion.
UNE NANA COMME LES AUTRES
(ARTICLE PARU DANS MONTPELLIER PLUS, PAR JENNIFER LUBY, OCT. 2007)
Transgresser les tabous, passer du masculin au féminin, c’est le défi incroyable qu’a relevé Camille. Elle qui vécu « il » pendant plus de quarante ans, découvre enfin la joie de se sentir femme. Sous l’œil bienveillant de la caméra de deux Montpelliérains, elle a accepté de partager son histoire. «Next station nana », une aventure humaine à découvrir ce soir en avant-première sur les écrans du Diagonal Capitole.
Camille a la cinquantaine. Grande, les cheveux auburn, le regard tendre et malicieux derrière ses lunettes. Elle tient un gîte dans la banlieue montpelliéraine. Elle adore le violet et parle toujours a demi-mots, comme pour confier un secret. Un secret dévoilé. Il y a trois ans et demi, Camille, né de sexe masculin, décide de franchir le pas pour enfin vivre en harmonie avec son corps. Vivre tout court et arrêter ce mensonge permanent. « Une réconciliation » selon elle, comme si ce changement d’identité mettait fin à une guerre lasse entre une enveloppe masculine et un cerveau féminin.
Né dans une famille bourgeoise, sa relation avec ses parents est difficile. On dit du petit Antoine que c’est un enfant triste. « Très tôt j’ai compris que quelque chose n’allait pas et que je ne pouvais en parler à personne.» Dans les années soixante, la transidentité ne se conçoit pas. Il assouvie en cachette son désir de travestissement, pique dans les placards de sa sœur. « C’est étrange le cerveau. Ma pulsion de vie s’est reporté sur des chiffons ! ». Il aime les vêtements de femme, plus que les femmes elles-mêmes. Mais comment imaginer alors le destin qui l’attend ?
Il mène sa vie d’homme tant bien que mal, pense au suicide, rêve de mourir en fille et de crier sa rage au monde. « On naît tous avec cette dualité en nous. Pourquoi faut–il que les gens nous enferment dans une case que l’on n’ a pas choisie ? » Celle qui l’apaise s’appelle Nicole, sa conjointe. Elle aussi a souffert. Deux écorchés vifs qui misent sur l’avenir. « Pour oublier mon mal être je me jetais à corps perdu dans des projets titanesques, j’y mettais toute mon énergie. » C’est après la construction de leur maison, aujourd’hui superbe gîte, que vient le déclic : « J’avais tout donné. Je n’arrivais plus à me battre. J’ai tapé le mot sur Internet. Transexualité. Ce fut une révélation. Je n’étais pas seule. » Tout s’enchaîne alors et Antoine décide de se travestir pour de bon. Mais l’image que lui renvoie son miroir ne le satisfait pas. Aidé par sa compagne et malgré la tristesse de voir leur couple bouleverser, il va alors prendre une décision radicale : subir une transformation complète. Un processus qui va durer trois ans.
« Le bonheur d’un sexe en creux »
Conseiller municipal actif, gérant confronté au regard des clients du gîte, Camille jongle avec les apparences le temps de sa métamorphose. C’est à cette époque qu’elle rencontre Arthur et Marina. Le réalisateur et sa compagne lui propose de la suivre dans sa démarche. « J’ai accepté pour trois raisons. Tout d’abord pour l’expérience humaine que nous allions vivre. Mais aussi pour que la caméra soit le témoin de ce changement. Enfin, si mon cas pouvait aider ne serait-ce qu’une personne…» Grâce à un traitement hormonal et a une opération capillaire, Camille change. A chaque étape, le spectateur partage sa surprise et son émotion. Elle travaille sa voix, sa démarche. Aider par une pro de la communication et de l’image, elle apprend à se maquiller et à se vêtir de façon élégante. Puis vient le grand saut, le point de non-retour. Camille part pour Bangkok. Là-bas, les meilleurs urologues du monde en matière de changement de sexe vont réaliser l’ultime opération qui fera d’elle une femme. Un mois de solitude et de douleur pour prendre à la nature ce qu’elle lui a refusé si longtemps. Nicole, jusque là toujours présente ne l’accompagne pas. Camille mène seule son dernier combat. « Chaque pas que je faisais vers ma féminité m’éloignait un peu plus de Nicole. » A son retour en France elle éprouve à la fois un sentiment de plénitude et une profonde tristesse, consciente de l’épreuve que traverse aussi sa compagne. De part et d’autre, c’est un travail d’acceptation qui commence.
Depuis Camille fait du théâtre, s’investie dans des associations d’aide aux transsexuels, souvent des prostituées. Un monde où règne une grande misère psychologique et matérielle. A mille lieues de celui de Camille qui malgré la difficulté de son parcours se considère comme privilégiée. Convalescente de la vie, Camille aspire désormais à la sérénité et reçoit chaque moment de sa nouvelle vie comme un précieux cadeau.