« Je ne me sens pas à l’aise devant un appareil ! » La réflexion est courante ; de la part d’une actrice un peu plus surprenante. Pour certains artistes, s’adonner à une séance photos dans le salon lounge d’un grand hôtel, le petit déjeuner à peine englouti, réveille un peu de coquetterie. V.S. Brodie est plus du genre rockeuse assagie que pimbêche faussement timide. Et même si la position requise n’est pas sa plus confortable (croiser les jambes à la garçonne n’est pas photogénique !), l’héroïne de The Owls se plie au jeu. Tripotant son paquet de Camel jaune, la Older Wiser Lesbian américaine scrute les visages d’illustres aviateurs imprimés sur les murs. D’un accent doux et rassurant, elle nous interroge sur Saint-Exupéry, Latécoère ou Ader… Les rues toulousaines résonnent sous les sifflets de manifestants. V.S. Brodie renoue avec le militantisme estimant, par principe, que « c’est une bonne chose que les gens se mobilisent ». Installée dans la capitale depuis dix ans, l’ex étudiante en histoire de l’art reconvertie en patronne d’une société d’événementiel reste impressionnée par la séparation très frenchy entre syndicats et lobbies privés. Le manque de politique dans les cortèges de la gay pride parisienne l’ennuie. Donc elle l’évite. Cinéma très américain Arrivée en France pour une fille, elle concrétise un rêve de gosse : Paris, la culture, la bonne bouffe, l’amour, les Françaises, Catherine Deneuve… La sonnerie de son mobile l’interrompt dans ses souvenirs : « Shut up ! » Passionnée d’architecture, la baroudeuse affectionne les grandes villes. Detroit, dans le Michigan, où elle voit le jour en 1964. A Chicago, l’épicurienne étudie l’art puis la cuisine. Chicago surtout où elle rencontre, grâce à Act-up, Guinevere Turner et Rose Troche. Les deux amantes sont à l’origine d’un court-métrage qui, au bout d’un an, deviendra un long dans lequel l’improvisée actrice se travestit en Ely. Cette première expérience avec le drame indépendant lui paraît dure. « Ma transformation de hippy en butch a été très éprouvante. » Go Fish sortira finalement en 1994 recevant dans la foulée un Teddy award au Festival international de Berlin. Le cinéma indépendant, V.S. Brodie y croit. A tel point qu’elle présage même se coller un jour à sa propre réalisation. Elle assure que le public américain, encouragé par le phénomène téléréalité, est très demandeur de ce ciné-là. Pas sûr pourtant que les Français s’y retrouvent ! A l’issue de la projection de The Owls, samedi 12 février à Toulouse, le scepticisme était de mise. Endosser les responsabilités de scénariste, productrice et actrice en même temps peut s’avérer périlleux. V.S. Brodie reconnaît elle-même les limites du projet : « Ce format était assez difficile, passer du narratif au témoignage me paraissait hors-contexte. » Contrainte à des budgets restreints, l’équipe de femmes boucle le tournage en quinze jours. Résultat : un sentiment d’inachevé, peu de clarté qui enfonce le spectateur dans un embrouillamini languissant. Un défaut d’énergie, trop de sagesse peut-être de ces old wiser lesbians. V.S. Brodie n’aime pas les happy end. « Je préfère les rôles de loser, un peu glauques ! », s’esclaffe-t-elle, sans prétention aucune. Souhaitons-lui néanmoins bonne chance dans son projet de film indépendant et participatif. Si elle ne réussit à séduire les cinéphiles français, nul doute que la fine gastronome spécialisée aujourd’hui dans le service traiteur s’épanouisse dans sa reconversion. Et se fonde toujours plus dans la ville.
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Apologie du poing: Portrait de Wendy Delorme par Gabriel Maffre
Volontairement ou pas, elle s’impose. Me fixe d’un regard bouffi de sommeil. M’analyse, me déstabilise. J’hésite à l’interviewer. Sur pellicule, sur pages blanches comme dans la vie, Wendy Delorme est une activiste. Une féministe pro-sexe. Elle ne cache rien, met à jour tout, décomplexée et fière. Déséquilibrante, elle pousse la provocation à son paroxysme, à la frontière fragile du correct et de l’incorrect, du montrable et du banni. Elle dévalorise l’intimité d’un corps pour banaliser l’offrande sur la scène publique. On aime ou on n’aime pas, on cautionne ou on ignore. On se retrouve bouleversé par d’interminables contradictions mentales. Ecrire sur Wendy Delorme force inexorablement à taire son émoi. A rester objectif. Exercice impossible qui, par honnêteté, m’encourage à témoigner en mon propre nom. Ce sera Je ! Elle en a fait son icône. Dans Insurrections, publié au Diable Vauvert en 2009, le poing court sur toutes les pages, sur tous les sexes, au plus profond de tous les vagins. Le sien, ceux des innombrables amantes de passage qu’elle masculinise toujours, les « ils » qu’elle baise. « Les deux organes les plus compatibles sont la main et le vagin », assène la jeune franco-allemande dans ce que j’appellerais un requiem sadomasochiste. Le poing, symbole d’un militantisme politique assumé, que la « conquistador de la rue » oppose parce que « le monde lui appartient… » Parce que Wendy est une femme forte, incisive, fatale. Déambuler à poil en plein Marais ? La Parisienne s’interroge : « Je ne me rends pas compte d’être provocatrice. C’est un plaisir égocentré mêlé à une incompréhension politique : pourquoi cacher notre cul et pas notre visage après tout ? Qu’est-ce qui est le plus aliénant ? Porter une burqa ou apparaître en string sur une affiche ?… » Elle s’arrête estimant que ce n’est pas à elle de parler de voile islamique. Se remet en question : « Et pourquoi, en même temps, suis-je mal à l’aise, nue, devant un gamin ? C’est que je suis en quelque sorte, moi aussi, prise par les codes… » Blondes sur canapé Docteur sur les stéréotypes et les normes de genres dans la publicité (titre un peu long mais ô combien explicite), Wendy Delorme arrive dans le performing après avoir assisté à une pièce burlesque. Clown dans l’âme, l’expansive se transforme en drag king avant d’intégrer une troupe. Blonde évaporée nymphomane, Wendy Baby Bitch (son nom de scène bien sûr !) et son acolyte de scène se produisent outre-Atlantique. En 2007, elle publie Quatrième Génération chez Grasset. Son affection politique se retrouve dans « Too much pussy ! » pour lequel elle peaufine le casting : sept travailleuses du sexe, sept performeuses, sept vraies activistes. Une tournée marathon, une mauvaise gestion de la fatigue et « une expérience humainement très dense ». Et une énième collaboration avec Emilie Jouvet, un perpétuel échange. Appuyées l’une contre l’autre sur le grand canapé blanc, les deux chipies se taquinent. Même blondeur, même rouge à lèvres qui tache, même désinvolture. « On est deux lionnes à forte personnalité et très complémentaires. » J’aurais opté pour conserver le porno dans la sphère individuelle, privée, celle qui induit un transfert émotionnel jouissif et créatif. Fantasmatique. Wendy Delorme a choisi, elle, le grand jour, le chamboulement de la pensée dominante. L’envahissement des cerveaux et la péroraison des discours sur la sexualité féminine. J’introvertis les scènes les plus bandantes, la hardeuse les extériorise. A l’écran, la banalisation des postures du X m’ennuie. A la force de ses écrits, on a envie de se laisser prendre même si je rejette la violence et les poings. Et quand Wendy s’identifie, j’acquiesce et fais secrètement mienne une vérité quasi universelle : « Une salope de la race des romantiques, des amantes, une baiseuse fleur bleue ».
Portait d’Émilie Jouvet, Par Gabriel Maffre
Too much !! Emilie Jouvet et Wendy Delorme présentaient, vendredi 11 février, « Too much pussy ! », road-movie porno lesbien, à l’Utopia bondé pour l’occasion.
Sur le perron de l’hôtel, elle fume, lascive. Sa bouche pulpeuse marquée au rouge vif forme un cœur pour libérer délicatement les traits de fumée. Derrière des lunettes noires aguicheuses, Emilie Jouvet savoure son sud. Habituellement tournée vers Marseille, la réalisatrice s’est octroyée un passage dans la ville rose, vendredi 11 février, pour soutenir son documentaire sur des « Feminist sluts in the queer X show », sous-titre explicite de son supposé trop sage « Too much pussy ! » Quand l’ironie flirte avec le porno et avec une émancipation sexuelle très… subjective. Ames sensibles, s’abstenir ! Si vous ne connaissiez pas le style Jouvet, vous voilà servis. Si vous ignoriez tout du cervix et du X lesbien version trash, prenez un peu de recul. Vous supposeriez que la sexualité entre femmes se résume à un défilement de scènes plus hard les unes que les autres. Alors que les sept copines de ce road-movie truculent appellent à « voir leur chatte », Emilie Jouvet excelle dans l’art de la suggestion. « Too much pussy ! » pas porno ! « Avec ce second long-métrage, j’avais envie de montrer des personnes qui parlent de sexualité de manière seulement suggérée, (…) des femmes fortes ou qui essaient de l’être, très provocantes mais pas dominantes. » Son créneau ? L’activisme féministe pro-sexe, à sa sauce.
L’art de la suggestion A 34 ans, Emilie Jouvet incarne une troublante féminité. Artiste engagée, elle pratique le sex art dans l’univers lesbien parisien et reconnaît avec virulence la liberté de la femme à exploiter son propre corps. Quelques années auparavant, elle fréquente les Beaux-arts d’Aix-en-Provence puis l’Ecole nationale de la photographie d’Arles. Elle travaille sur le genre. Sur ses clichés, l’étudiante réservée exacerbe la masculinité des femmes modèles. « L’expression du corps féminin m’a toujours captivé. Mon parcours a été implicite, puis explicite », reconnaît-elle. Emilie quitte les Bouches-du-Rhône sans diplôme, le jury de l’école assimilant son travail à de la pornographie pure et simple. Le caractère bien trempé, la jeune photographe s’en défend et tente sa chance dans la capitale. Evoluant dans les milieux underground, elle expose et collabore à plusieurs magazines. Muteen, Têtu, De l’air, Le Monde… Elle fait sa trace, « flirte avec le porno, subvertit les codes, sans montrer d’acte sexuel ». Cette séduction ne tarde pas longtemps. Très vite, elle justifie sa passion pour le X afin de pallier au manque. « Le porno lesbien n’existait pas en France, ni en Europe », assure-t-elle. Emilie Jouvet s’annonce précurseur. Depuis sa rencontre avec Wendy Delorme sur le tournage de « One night stand », les deux blondes ne se quittent plus. On les croit siamoises, tant leur sensibilité est identique, tant on reconnaît l’une dans l’autre. L’une est réservée. L’autre expansive. L’une shoote, l’autre montre. Parfaitement complémentaires. Pour « Too much pussy ! », Emilie se charge de l’organisation technique et de la réalisation d’une tournée européenne qui durera plus d’un mois à bord d’un minibus. Wendy s’occupe du casting de performeuses qui ignorent tout du mot tabou. Véritable expérience humaine d’un certain genre, le road-movie ressemble à « un Loft story entre meufs sauf qu’on ne meurt pas à la fin : on jouit ! » Trop de jouissance sans doute les éreinte. De retour sur Paris, Emilie Jouvet enchaîne les travaux. Outre passer cinq heures par jour à répondre aux mails, assurer la promo, organiser des soirées de soutien à ses projets, elle honore quelques commandes. Ciné Cinéma lui propose un portrait de l’actrice porno Ovidie ? L’artiste enclenche son matériel de voyeuse. Certainement pour subvertir, jouant avec son appareil, avant la sortie dans les prochains mois en France de… « Much more pussy ! » A en croire Emilie Jouvet, là on aura du hard, du trash, encore plus de chattes donc, peut-être un peu moins de… suggestion. Gabriel MAFFRE
Une autre commence en Région!
Le festival se poursuit en région pendant encore deux semaines. Une occasion de voir ou revoir trois excellentes fictions : Tu n’aimeras point (Auzielle), Le premier qui l’a dit (Ramonville, St Gaudens) et The kids are allright (Muret).
Puis d’autres dates, d’autres salles …
Pour la semaine du 22 au 25 février, consultez le programme sur www.des-images-aux-mots.fr.
A très bientôt !
Une semaine exceptionnelle s’achève
L’édition 2011 du festival DIAM a enthousiasmé plus de spectateurs que jamais pendant sa semaine à Toulouse. Des oeuvres remarquables : « Anne Lister » a reçu le prix du public et « Contracorriente » a été distingué par un Jury de professionnels du cinéma. Une mention spéciale pour les documentaires, tous très appréciés par le public, et notamment « Fake Orgasm ». Une semaine achevée dans une belle soirée de clôture au bar Le Limelight.
Le festival du Film LGBT de Toulouse a J+3!
Le Festival Des Images aux Mots bat son plein !
Ne ratez pas les grands moments de la seconde moitié de la semaine :
Ce soir deux beaux films coréens à la Cinémathèque, en partenariat avec le Festival Made in Asia.
Demain jeudi la présence de Tomer Heymann à la projection de son documentaire I shot my love au Goethe- Institut
Vendredi le grand film italien « Il Compleanno » suivi du décoiffant « Too much Pussy » d’Émilie Jouvet à l’Utopia
La soirée du Festival au « 31 », à savourer sans modération
La journée filles de samedi à l’ABC : un tir en rafales de films lesbiens, courts et longs métrages…
Et à l’Utopia le dimanche, le magnifique film de clôture « Contracorriente », justement nommé aux Oscars 2011.
Pour couronner le tout, la fête au Limelight, pour la remise des Prix !
Détail des programmes sur notre site : www.des-images-aux-mots.fr
J-3 Pour le Festival!
Attention, le départ est tout proche !
La 4èmes édition du Festival Des Images aux Mots commence lundi.
Ne ratez pas la cérémonie d’ouverture dans la Salle des Illustres du Capitole à 18h (invitation à télécharger ICI)
Puis le grand film « The Secret Diaries of Miss Anne Lister » à l’ABC à 20h30 (Il sera prudent de prendre son billet à l’avance ICI!)
Et le vernissage, dans le hall du cinéma, de l’exposition de Valéri-e Bouillon : « Être lesbienne : l’intime et le politique » (dessins et sculptures)
Téléchargez votre invitation au Coktail de La Mairie
Nouvelle édition du Festival Des Images aux Mots !
19 séances, dont 5 gratuites
Des films de tous les pays – en partenariat avec Made in Asia, les Rencontres du Cinéma d’Amérique latine, les Rencontres du Cinéma italien
Et des films de toutes les époques – notamment avec le premier film traitant d’homosexualité, en 1919 !
Des films primés dans tous les grands festivals
Et des films de tous genres
Des rencontres avec leurs réalisateurs ou réalisatrices, acteurs et actrices
Des débats animés par des intervenants divers
Une expo
Et des soirées conviviales
Tout cela nous mènera ensemble, du 7 au 13 février, de la réception à la Mairie de Toulouse le lundi jusqu’à la remise des prix au Limelight le dimanche suivant, dans la belle découverte de ces multiples visions des identités LGBT.
Alors, ne manquez pas le rendez-vous dans les salles, et consultez le programme détaillé sur notre site : www.des-images-aux-mots.fr !
La Médiathèque
Avec la rénovation de la bibliothèque d’étude et du patrimoine, 2003 voit l’achèvement de la médiathèque José-Cabanis. Située au cœur du nouveau pôle urbain créé dans le quartier Marengo, la médiathèque José Cabanis est signée par l’architecte Jean-Pierre Buffi, associé au cabinet d’architecture toulousain Séquences. La médiathèque offre au public près de 200 000 documents sur tous supports et des équipements multimédia. Une programmation culturelle régulière est proposée dans les deux auditoriums, la salle d’exposition et le petit théâtre destiné aux enfants.
Accès :
Métro : Marengo (ligne A)
Bus : 14, 22, station Marengo SNCF
Vélostations : 5, rue Leduc
96, rue du Général Compans
Parking Marengo : le stationnement inférieur à une demi-heure est gratuit pour les usagers de la médiathèque (validation du ticket à l’accueil de la médiathèque)